Le mardi 17 juin 2025, le Congrès des élus départementaux, régionaux, des parlementaires et des maires de Guadeloupe s’est réuni à Basse-Terre. Il faisait suite au Congrès de juin 2024 et aux travaux d’une commission ad hoc de 23 membres ayant planché pendant un an sur les évolutions institutionnelles envisagées pour le territoire.
Une démarche collaborative et participative
Les réflexions ont été nourries par des contributions issues du terrain, via la plateforme kanoukafe.com, des ateliers publics, ainsi que par l’expertise de juristes, économistes et universitaires. Objectif : redéfinir l’organisation de la Guadeloupe pour répondre aux défis de son développement.
Un tournant politique marqué par des tensions
La séance a été marquée par la présence du président de Région Ary Chalus, qui après avoir exprimé son attachement à une évolution institutionnelle progressive, a quitté le Congrès avant les votes, affirmant son refus de participer à ce qu’il perçoit comme une précipitation. Ce départ symbolique, interprété comme une désapprobation du processus en cours, a surpris Guy Losbar, président du Conseil départemental et du Congrès, qui a rappelé la participation de la Région aux travaux préparatoires.
Une ambition clairement affichée : plus d’autonomie pour une gouvernance adaptée
Au cœur des débats, quatre résolutions majeures ont été votées, dessinant les contours d’un futur statut pour la Guadeloupe, sous réserve d’un accord de la population par référendum.
1. Compétences : clarifier les rôles, élargir les prérogatives
Selon la résolution n°1, la Guadeloupe serait dotée d’une Collectivité Territoriale unique régie par l’article 74 de la Constitution. Celle-ci bénéficierait d’un transfert massif de compétences jusque-là exercées par l’État :
- Enseignement primaire et secondaire, urbanisme, droit du travail, ressources naturelles, transport routier et maritime, énergie, tourisme, environnement, etc.
- L’État conserverait les compétences régaliennes (justice, défense, politique étrangère, monnaie, etc.), mais la Guadeloupe y participerait, notamment dans la santé, la coopération régionale ou l’éducation.
- Cette collectivité serait également dotée d’un pouvoir normatif local, lui permettant d’adapter ses lois aux réalités du territoire.
2. Ressources et fiscalité : garantir l’autonomie budgétaire
La résolution n°2 prévoit des moyens financiers renforcés pour accompagner ces compétences élargies :
- Instauration d’un pouvoir fiscal autonome, avec la possibilité d’instaurer une « TVA guadeloupéenne », de redéfinir l’impôt sur le revenu et sur les sociétés, et de simplifier l’octroi de mer.
- Maintien du statut de Région ultrapériphérique (RUP) dans l’Union européenne, garantissant l’accès aux fonds FEDER, FSE, etc.
- Mise en place d’une dotation globale de compensation par l’État pour chaque compétence transférée, calculée par une commission locale d’évaluation des charges.
3. Organisation institutionnelle : une nouvelle gouvernance démocratique
La résolution n°3 définit le fonctionnement de la future collectivité :
- Une Assemblée Territoriale de 60 membres élus pour 6 ans, avec 8 circonscriptions couvrant l’ensemble de l’archipel.
- Un président élu par l’assemblée, assisté de 9 vice-présidents et d’une Commission Permanente de 25 membres.
- Création d’un Conseil civique de 60 citoyens tirés au sort, véritable innovation démocratique, chargé d’un rôle consultatif et d’initiatives réglementaires encadrées.
- Un mode de scrutin proportionnel à deux tours avec prime majoritaire pour garantir représentativité et stabilité.
4. Emblèmes et identité : vers une reconnaissance symbolique
Enfin, la résolution n°4 propose l’organisation d’une consultation citoyenne pour définir les emblèmes de la Guadeloupe (drapeau, devise, hymne), affirmant l’identité du territoire tout en restant dans le cadre républicain et européen.
Une réforme ambitieuse à valider par les Guadeloupéens
Ce XIXe Congrès acte une volonté politique forte : celle de refonder la gouvernance guadeloupéenne pour la rendre plus autonome, plus efficace et plus proche des réalités locales. Toutefois, cette transformation institutionnelle ne pourra se concrétiser qu’après un référendum local, dont les contours restent à définir.
Prochaine étape : la délibération du Conseil régional et du Conseil départemental, dans les 15 jours, avant la transmission au gouvernement et, potentiellement, au Parlement.
Jean-Yves FRIXON