Face à la Presse ETV – Érick Maurel : « Justice et criminalité en Guadeloupe, quel avenir ? »

Pour la première émission de la saison Face à la Presse, ETV recevait ce dimanche Érick Maurel, procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre. Aux côtés des journalistes et rédacteurs en chef André Jean-Vidal (KaribInfo.com) et Jean-Yves FRIXON (ETV), il a livré un constat sans détour sur la situation sécuritaire en Guadeloupe.

Une criminalité en forte hausse

Depuis le début de l’année, 37 homicides par arme à feu et 134 tentatives ont été recensés sur le territoire. Des chiffres déjà supérieurs à ceux de 2024 et qui inquiètent fortement les autorités. Selon le procureur, près de 40 000 armes circuleraient en Guadeloupe, un volume « colossal » qui traduit une banalisation inquiétante.

Des armes qui viennent de l’extérieur… et de l’intérieur

Érick Maurel a détaillé les filières d’approvisionnement : arrivées maritimes depuis la Dominique et l’Amérique latine, flux par les îles du Nord et Porto Rico, et plus récemment des envois par colis postaux.
Autre fait marquant : si les trafiquants et délinquants sont armés, de nombreuses familles guadeloupéennes posséderaient elles-mêmes des armes par peur ou précaution, ce qui contribue à leur circulation.

Une criminalité différente de celle de l’Hexagone

Contrairement à Marseille où la grande majorité des meurtres est liée au narcobanditisme, en Guadeloupe, la plupart des homicides naissent de conflits intrafamiliaux, de voisinage ou d’anciennes rivalités. « Ici, on peut tuer pour un terrain, une maison, ou même pour un simple regard de travers », a souligné le magistrat.

La jeunesse au cœur des préoccupations

L’âge des auteurs inquiète particulièrement : des adolescents de 14-15 ans se promènent déjà avec des pistolets automatiques. Une situation alimentée par l’influence des clips musicaux, des jeux vidéo violents et la transmission directe d’armes par des adultes.
« Comment un Guadeloupéen de 30 ou 40 ans peut-il donner une arme à un gamin de 14 ans ? », s’interroge le procureur, appelant chacun à prendre ses responsabilités.

Aux prémices d’une dérive mafieuse

Le lien entre drogue, armes et or alimente une criminalité organisée. « Nous en sommes aux prémices d’une évolution mafieuse », a averti Érick Maurel. « Si nous ne réagissons pas maintenant, dans cinq ou dix ans, il sera trop tard. »

Violence routière : un autre fléau

Au-delà des crimes, la violence routière frappe tout autant : près de 36 morts chaque année, un bilan comparable à celui des homicides. Vitesse, alcool, drogue et comportements irresponsables en sont les principales causes. « La route est un danger mortel en Guadeloupe », a martelé le procureur, appelant à une prise de conscience collective.

« Ne pas baisser les bras »

Malgré ce tableau préoccupant, Érick Maurel refuse le fatalisme. Il insiste sur l’engagement des forces de l’ordre, des magistrats et des juges, ainsi que sur l’importance de lutter contre l’illettrisme, la misère et la pauvreté, véritables terreaux de la délinquance.
« La justice en Guadeloupe n’est pas laxiste », a-t-il rappelé, soulignant que les condamnations prononcées sont significatives et expliquent la surpopulation carcérale croissante.

Jean-Yves FRIXON

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